Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

La profession

Chapitre du 9 janvier 1889

“Lorsque le Novice aura terminé le temps fixé pour le noviciat, et qu'il réunira les conditions jugées convenables, il sera présenté pour être admis à la profession et sera reçu à la majorité des voix” (Const., Art. IV:1; p. 8).

A propos de novices, je recommande bien encore aujourd'hui le soin, le zèle, la prière pour le recrutement de la Congrégation. Je reviens encore sur cette pensée: “Priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson” (Mt 9:38). Le bon Dieu peut bien envoyer de lui-même, mais il veut que ce soit en suite des prières qu'on lui adresse. Si nous sommes bons religieux, nous tiendrons à avoir des compagnons de notre bonheur, à faire goûter à d'autres les avantages de la vie religieuse. Il n'y a pas, je le répète, de bon petit curé de campagne qui soit vraiment bon curé, qui n'envoie quelque enfant au séminaire. En général, quand un curé est bien édifiant, il a toujours cela à cœur. Pourquoi? Parce que, trouvant son état meilleur que tous les autres, il cherche à procurer à d'autres les avantages spirituels du sacerdoce.

Je sais bien que nous avons des occupations distrayantes qui ne nous permettent guère de songer à autre chose. Ce que nous avons à faire suffit, et au-delà, à absorber les forces, les facultés de notre âme, de notre cœur, de notre corps. Il faut regarder néanmoins comme un de nos premiers devoirs de nous occuper de vocations; c'est l'ordre du Sauveur. Il le dit aux Apôtres, et à nous aussi par eux. Nous avons un très grand besoin de bons, de saints ouvriers qui se sanctifient afin que leur sanctification déborde sur les autres et les recouvre (Cf. Jn 17:19).

Le novice est reçu à la majorité des voix; une majorité d'une voix suffit pour l'admission. Dans ce cas pourtant, si la voix du supérieur général ou celle du maître des novices était contre l'admission, il serait peut-être prudent de surseoir encore à cette acceptation. Il faudra qu'on prenne note de cela. C'est une question très grave. Le sentiment du maître des novices, celui du supérieur général ont beaucoup de valeur parce qu'ils jugent en pleine connaissance de cause. Ce serait donc bien dans le cas où il n'y aurait qu'une majorité assez contestée de ne pas laisser passer le novice la première fois. Il ne faudrait pas le congédier du premier coup, sans doute, mais il serait bon de prolonger son épreuve. Il faut que les religieux soient bien à la hauteur de leur vocation. Autrefois c'était le nombre que l'on visait, maintenant c'est la valeur des sujets.

“La profession comportera les trois vœux simples de Pauvreté, de Chasteté et d'Obéissance” (Const., Art. IV:2; p. 9).

Nos vœux sont simples et non solennels. Les vœux solennels sont ceux qui sont acceptés et protégés par l'Eglise et les prescriptions du Droit Canon. Quelques anciens Ordres religieux ont encore des vœux solennels: les Bénédictins, les Dominicains, les Franciscains, les Trappistes. Les autres Ordres sont considérés comme de pieux instituts et n'ont que des vœux simples. Les avantages des vœux solennels sont peu considérables actuellement, puisqu'aucune législation civile ne reconnaît plus le Droit Canon. Au point de vue de la conscience et de la réelle obligation, il faut mettre les vœux simples au même degré que les vœux solennels.

“Ces vœux seront faits pendant les cinq premières années ad annum. Après cinq ans les vœux seront perpétuels” (Const., Art. IV:2; p. 9).

On fait des vœux pour une année afin de ne pas admettre dans la Congrégation des sujets qui deviendraient une lourde charge, des gens ayant peu de piété ou bien une tournure particulière d'esprit, des tendances personnelles. Dans la pratique, quand on se fait Oblat, on ne doit pas se donner pour un an ou pour cinq ans et dire: “Je serai libre après”. Il faut se donner pour toujours. Cela ne veut pas dire que j'oblige le novice à faire ses vœux perpétuels tout de suite. Mais il faut qu'on se donne au bon Dieu tout de suite; c'est une pratique qui est bien recommandée. Au bout de l'année, si l'on n'est pas content, devant l'Eglise et devant la communauté, on est délié de ses vœux. Devant sa conscience, c'est autre chose.

Que va-t-il devenir, le religieux infidèle qui quitte sa communauté? Il est bien certain que la Congrégation qui l'avait reçu n'est obligée à son égard qu'en vertu de l'ordination. Elle peut très bien se décharger de ce sujet en l'adressant à un évêque:  “Voilà un sujet que nous avons ordonné, voulez-vous le prendre?”
— “Oui”.

— “C'est bien ”.  Mais la communauté ne lui doit rien. Elle s'est obligée pour un an envers lui; ils sont quittes. Cela peut constituer quelquefois pour le sujet un très grand embarras. Il ne faut pas faire de vœux quand on n'est pas disposé à les faire pour toute sa vie. La communauté est donc libre quand on se retire. Il faut chercher et trouver un évêque qui veuille bien vous accueillir. C'est la question qu'a tranchée une circulaire de notre Saint-Père le Pape il y a 5 ou 6 ans. Le vœu est de sa nature perpétuel. Les vœux des religieux et des religieuses l'ont toujours été. On ne se donne pas à Dieu pour six mois, pour un an. Et ce n'est que pour éviter de plus grands maux et à cause du for extérieur que l'Eglise fait prononcer des vœux annuels. En prononçant ces vœux, il faut donc avoir l'intention de se donner complètement. Un postulant vient et fait des vœux pendant deux ou trois ans, uniquement pour se faire ordonner. Les supérieurs qui voient cela ne doivent pas en conscience accepter ce sujet. Il ne peut pas être un bon religieux, surtout avec notre genre de vie. Pratiquer notre Règle, le Directoire, l'observance, tout cela ne se fait pas en un an, pour l'abandonner après. Si notre Règle était plus extérieure, cela pourrait peut-être se faire plus facilement.

Vous voulez faire des vœux d'Oblat pour un an? Un Oblat fait profession de s'unir à Notre- Seigneur, de travailler avec lui. Cela se fait-il pour un an? C'est comme le mariage, on ne se marie pas pour un an. La vie religieuse, comme le mariage, est indissoluble. C'est une union sans retour en suite de l'habitude, des relations, des rapports qui s'établissent entre l'homme et Dieu. Il est impossible plus que partout ailleurs de faire chez nous des vœux pour un an. Ce serait vraiment dérisoire. Si vous ne vous donnez que pour un an, qu'est-ce que vous ferez? Rien. Vous ne ferez pas votre Directoire, car le Directoire prend votre conduite, votre vie entière, pour faire passer en elle quelque chose de la vie de Dieu. Pouvez-vous vous débaptiser? Peut-on se démarier?

Formule des vœux temporaires
“Domine Jesu Christe propter amorem tuum et in amplexu Crucis tuae, voveo Obedientiam, Paupertatem et Castitatem, juxta Constitutiones Congregationis Oblatorum Sancti Francisci Salesii. Adjuva me, Domine, per Virginem benedictam Matrem tuam. In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti. Amen”(Const., Art. IV:3; p. 9-10).

Ces paroles sont celles de notre saint Fondateur dans la Règle de la Visitation. Nous les avons acceptées comme une formule extrêmement convenable, puisque c'est celle que le Saint-Esprit a inspirée à notre saint Fondateur. La formule des vœux perpétuels est différente de celle des vœux temporaires. C'est une promesse faite directement au supérieur général.

Celui des trois vœux religieux qui a le plus d'effet est le vœu d'obéissance. La nature des deux autres vœux et les limites de leur observation sont réglées par l'obéissance. L'obéissance est aussi entière pour les vœux ad annum.

Je recommande bien aux prières de toute la communauté la mission de l'Orange. Le Père Simon m'écrit qu'ils ont de grandes difficultés. Toujours, les commencements sont laborieux. Nos Pères sont courageux, et les épreuves ne les effraient pas.