Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Notre mission apostolique

Chapitre du 13 juin 1888

La dernière fois, j'ai insisté sur cette pensée que nous remplissions tous une mission qui est vraiment une mission apostolique, peu importe ce que nous ayons à faire. Ce que nous faisons, c'est ce qu'avaient à faire les Apôtres. Leur mission n'était pas plus sainte que la nôtre. Ils l'avaient reçue de Notre-Seigneur, et c'est lui qui nous a appelés, qui nous a donné notre mission. Nous sommes vraiment les successeurs des apôtres, non pas sans doute en dignité, en pouvoir, en sainteté, mais nous sommes leurs successeurs dans le travail, dans la coopération à l'œuvre de Notre-Seigneur.

J'insiste beaucoup sur ce point. Les apôtres ont fait quelque chose de saint: nous avons à le faire aussi, quelque chose de tout à fait saint. En un sens sans doute, notre mission n'est pas aussi grande, aussi étendue, aussi universelle, et dans ce sens nous ne sommes pas les successeurs des Apôtres au même titre que les évêques dans leurs diocèses, les curés dans leurs paroisses. Le religieux néanmoins, dans la limite de l'obéissance, de sa sphère d'action, a une action identique à celle des apôtres. Il fait ce qu'ont fait saint Pierre et saint Jean, ce qu'ont fait les Apôtres vivant avec Notre-Seigneur quand il les envoyait deux à deux guérir les malades, quand il leur disait de n'emporter ni bâton, ni chaussures. La mission est identique, elle doit être traitée avec le même respect, la même attention, le même soin. C'est la doctrine générale de l'Eglise sans doute, mais c'était une doctrine tout particulièrement chère au cœur de la bonne Mère Marie de Sales, que nous étions la continuation de l'église primitive, nous continuons l’œuvre des apôtres, l’œuvre du Sauveur; nous exerçons sur la terre son action, son influence, sa mission. Plaçons-nous tous à ce point de vue. Tout le travail de la bonne Mère a été pour aboutir là.

Maintenant que Rome s'est chargée du procès, cette doctrine va être soumise au jugement de l'Eglise. Elle a déjà prononcé en une certaine façon, en acceptant, sans le désapprouver tout ce qui a été écrit dans la Vie; cela équivaut à une approbation tacite. L'Eglise, par la Sacrée Congrégation de l’Index, aurait réprouvé ce qu'elle aurait trouvé de contraire aux enseignements de l'Eglise. Tel a donc été l'enseignement de la bonne Mère. Quand on a vécu 35 ans près d'elle, jour par jour, heure par heure, on a pu voir les manifestations de la volonté de Dieu à l'égard de cette doctrine et l'assurance de cette vérité. Quand on entendait Soeur Marie-Geneviève, comment douter? Quand elle venait dire: “Mais oui, c'est cela que le bon Dieu veut: il m'a montré qu'il ferait telle ou telle chose”, et en même temps, comme les anciens prophètes, elle donnait un témoignage. Elle annonçait aux Sœurs ce qui devait leur arriver, elle prédisait le dénouement prochain d'une affaire, d'une chose politique même, de tel ou tel événement que certainement on n'avait pu prévoir naturellement. Ce témoignage corroborait les prédictions qu'elle faisait sur l’œuvre de la bonne Mère, ses fondations, ses travaux. Nous pouvons donc prendre pour nous ces paroles de saint Paul: “La construction que vous êtes a pour fondement les apôtres et prophètes” (Ep 2:20). Voilà notre œuvre, voilà ses limites, voilà la base posée. À nous de construire et de marcher.

Nous ne sommes pas étrangers à ce qui se passe dans l'Eglise, dans le ciel. Nous ne sommes pas isolés. Voilà le positif de notre affaire, peu importent les circonstances, les accessoires, le reste. Ayons donc la foi à ces choses. Ayons un grand respect pour chaque chose que nous avons à faire, donnons une grande attention, un grand soin à tout ce qui nous est confié, c'est une partie de notre mission. Saint Paul travaillait de ses mains: il faisait des tentes. Les diacres de la primitive Eglise travaillaient. Notre-Seigneur lui-même le fit pendant la plus grande partie de sa vie . Si nous avons à nous occuper de choses temporelles, faisons-le avec foi et amour. Si une pierre est moins apparente dans l'édifice, est-elle moins utile pour cela? Elle sert à soutenir les autres, à les protéger; c'est elle qui réellement fait l'édifice. Considérons donc bien l’œuvre que nous avons à faire soit matérielle, soit spirituelle; ayons pour elle un grand respect. Que chacun fasse passionnément bien ce qu'il a à faire, selon la parole de notre saint Fondateur, et restons bien dans l'ordre du plan établi, voulu de Dieu. Si nous avons ce soin, cette attention, je le répète encore, le plus menu détail, l'emploi le plus humble, quel qu'il soit, servira à la sanctification des âmes. “Nous sommes en ambassade pour le Christ” (2 Co 5:20). Dieu ne vient pas sans cesse sur la terre. Il est venu une fois. C'est à nous maintenant de faire son œuvre, de le remplacer. Il se sert de nous, de nos organes, de nos membres: lui, il est la tête. C'est la tête qui fait agir les membres. On sent que l'action des membres n'a pas d'autre principe, d'autre moteur. Sortons du réalisme. Notre voie est bien tracée: tout chez nous doit contribuer à notre sanctification. Tout par conséquent a quelque chose de divin et doit être traité avec le même respect, avec le respect avec lequel on traiterait un sacrement, s'il m'est permis de parler ainsi. Demandons à la bonne Mère cet esprit et portons-le partout.