Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Le but de la Congrégation 

Chapitre du 27 janvier 1886

“Les membres de l’institut, en se plaçant sous le patronage de saint François de Sales, se proposent de pratiquer les vertus sacerdotales et religieuses suivant l'esprit du saint Docteur” (Const., Art. I; p. 1).

Nous nous plaçons, non seulement sous le patronage de saint François de Sales, mais entièrement sous la direction de ses pensées, de sa doctrine, de sa manière de faire et de voir. Saint François de Sales sera non seulement pour nous un “aide” pour les vertus sacerdotales et religieuses, mais ces vertus nous les puiserons en lui, dans sa doctrine, dans ses exemples. Il sera notre modèle. Nous ferons ce qu'il a fait et nous trouverons en lui la grâce de nos vertus sacerdotales et religieuses. Non seulement il sera notre patron, mais nous nous identifierons autant que faire se pourra avec sa personne. Sainte Jeanne de Chantal lui écrivait: “Il faudrait faire des prêtres pour continuer votre œuvre; il faudrait que vous vinssiez vous-même pour leur donner absolument votre esprit, pour qu'ils agissent en union avec nous”. Nous avons voulu réaliser cette idée. Saint François de Sales est notre père dans toute la force du terme. Nous voulons hériter de ses dons spirituels; nous entrons entièrement dans le domaine de ses grâces, de sa doctrine, de son action sur les âmes.

Il y a des choses bien admirables, fondées sous la protection de saint François de Sales. Les prêtres d'Annecy d'abord. Ils ont l'esprit des Jésuites et, choisissant saint François de Sales pour leur patron, ils ont pris de lui certaines pratiques, l'abstinence du vendredi soir en particulier, mais l'ensemble de l'esprit est celui des Jésuites. Ils ont une Règle toute faite, et saint François de Sales vient les aider à observer cette Règle. Dom Bosco fait de bien belles choses, car c'est un saint. Il n'a pas le Directoire, il ne s'identifie pas avec saint François de Sales. Saint François de Sales est le patron des Salésiens. Ils se rapprochent de lui plus encore que les prêtres d'Annecy, mais ce n'est pas comme les Oblats.

Saint François de Sales répondait à sainte de Chantal qu'il avait essayé, mais qu'il n'avait jamais pu former des prêtres à cet esprit, parce que les hommes de ce pays-ci étaient trop raisonneurs, tenaient à leur propre jugement. Quand Dieu le voudra faire, il le fera. Voilà le sens, sinon les termes mêmes de saint François de Sales.

 Entrons dans cet esprit-là pour perpétuer notre saint Fondateur. Nous ne fondons rien, nous ne voulons pas faire autre chose que ce qu'il a fait. Dans la pensée de saint François de Sales, il ne devait pas y avoir de vœu, mais la pratique stricte, extrêmement rigoureuse de la charité devait en tenir lieu et servir de lien entre les membres de sa congrégation. Il fut contraint de faire la Visitation; mais dans sa volonté ses religieux devaient avoir ce caractère spécial de la charité. Ne soyons pas religieux avec un badigeon de saint François de Sales. Si nous voulons être religieux et mettre du saint François de Sales par-dessus, nous faisons fausse route. Il faut bien comprendre cela. Nous sommes de saint François de Sales, et c’est parce que nous faisons ce qu'il a dit et fait que nous sommes religieux. Le fonds de notre vocation n'est pas en dehors de lui. C'est là qu'est tout. En faisant ce qu'il a dit, les vœux ne font que nous aider à le réaliser plus complètement. Quand nous sommes en rapport avec les Oblates, avec la Visitation, donnons-leur leur nourriture qui est la nôtre, donnons-leur saint François de Sales. Il est docteur, “docteur infaillible”, comme disait Pie IX. Tout est déterminé, définitif, il n'y a qu'à suivre, qu'à entrer dans l'esprit. C'est l'histoire de l'ouvrier: la théorie ne fait pas le menuisier, c'est la main à l’œuvre qui le fait.

“Ils auront donc grandement à cœur de se sanctifier eux-mêmes, pour aider ensuite plus efficacement à la sanctification du prochain, par l'éducation chrétienne de la jeunesse, les missions en pays hérétiques et infidèles et les fonctions du saint ministère” (Const., Art. 1; p.1).

La première œuvre dont il est parlé ici est la plus excellente: l'éducation chrétienne de la jeunesse. Il faut donner non seulement l'instruction, il faut donner non seulement ce que nous avons dans l'esprit, mais il faut donner ce que nous avons dans le cœur, tout ce qui est saint, juste, digne de Dieu. Nous sommes destinés aussi aux missions en pays hérétiques et infidèles: nous avons déjà commencé. Il faut donner à cette œuvre notre cœur et nos âmes; nous sommes apôtres, nous devons avoir des vertus dignes des apôtres, non pas des apôtres en général, mais suivant notre saint Docteur, suivant son esprit par la pratique du Directoire encore plus parfaite, plus fervente, plus dévouée. Il faut que nos apôtres se donnent à Dieu tout entiers, même et surtout au milieu des épreuves les plus pénibles. Jusqu’ici le bon Dieu nous a donné beaucoup de consolations de ce côté-là. Faisons toutes ces œuvres dans un esprit de charité, de douceur, de simplicité. N'ayons pas peur d'être trouvés bêtes en agissant ainsi. La bonne Mère n'était pas une sotte. Entrons dans cet esprit-là. Prenons bien garde de ne jamais crier, tempêter. Parlons avec fermeté, mais doucement.

Nous nous appliquons enfin à toutes les œuvres du saint ministère: missions, confessions, prédications. Apportez bien en tout cela le genre et la manière de faire de notre saint Fondateur. Apportez-y ses vertus: la prudence, la sagesse, la douceur, la condescendance. Que les fidèles sentent bien chez les Oblats ce cachet de simplicité, de douceur qui prend l’âme tout de suite et la remet aux mains de Dieu. Il ne faut pas nous emparer des âmes pour nous, mais pour les donner à Dieu, et il faut pouvoir dire avec saint Paul: "Je ne me suis emparé de rien, ni de vous, ni de ce qui est à vous". Que celui-là entende qui a des oreilles pour entendre. Si vous ne comprenez pas bien ces choses, demandez à notre saint Fondateur de vous les faire comprendre. Demandez-le à la bonne Mère Marie de Sales.