Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Les coulpes

Chapitre du 2 septembre 1880

Notre Père nous rappela d’abord l'importance de bien dire nos coulpes. La doctrine de l'Église est que cet acte religieux remet les péchés véniels. Il y a cependant cette différence avec le sacrement de pénitence. Ce dernier remet les péchés par lui-même. Sans doute le pénitent ne doit pas avoir de dispositions qui arrêtent l'effet de la grâce. Mais, hors de là, le sacrement opère par sa propre vertu. Il suffit de celles-ci. Pour les coulpes, il faut des dispositions positives. En vertu de celle-ci, elles obtiennent une grande efficacité. Pratiquons donc cet exercice avec un grande contrition, quand nous pensons en nous-mêmes à ce que nous accuserons au chapitre, faisons déjà d'avance notre acte de contrition.

Puis notre Père nous parle de la nécessité d'aimer Notre-Seigneur. On s'imagine quelquefois que cet amour est une affaire de sentiment. Cela n'est pas. Avant tout, c'est un acte de la raison. Si le sentiment vient ajouter à la raison, très bien, mais la charité, comme l'enseigne saint  Thomas, réside avant tout dans la volonté conduite par la raison. Si donc nous n'éprouvons pas ce sentiment de l'amour de Dieu, c'est que nous ne l'aimons pas assez dans notre partie raisonnable. Si nous l'aimions bien ainsi, il nous aurait donné aussi le sentiment. Étudions-nous donc bien à aimer Notre-Seigneur, disons-lui souvent que nous voulons l'aimer, qu’il nous donne son amour. Rappelons-nous la formule de nos vœux: “Propter amorem tuum...”
(Const., Art. IV:3). Nous avons fait nos vœux, nous avons agi dans l'intention de faire un acte d'amour de Dieu, de lui témoigner par une marque effective que nous l'aimions. Souvenons-nous que ce lien qui nous rattache à Dieu est un lien d'amour; et que l'accomplissement de nos vœux soit la non-interruption d'un acte d'amour divin.

Examinons notre vie passée. Nous n'y voyons qu'amour de Dieu pour nous, nous entourant nous préservant, nous conduisant. Laissons-nous pénétrer profondément par la reconnaissance. Il faut que nous aimions Dieu tout de bon: c’est-à-dire, que nous vivions vraiment pour lui, regardant partout ce qui peut lui être agréable, faisant de lui le but, l'objectif de notre vie. Ne nous contentons pas d'aimer Dieu de cet amour de raison. Cela suffirait à la rigueur, dit saint Thomas. Mais aimons-le d'un amour vraiment affectif, je dirai humain. Aimons-le comme nous aimons un parent, un ami, celui à qui nous devons le plus. Notre- Seigneur s'est fait homme pour qu’on l’aimât humainement. Aimons-le comme il aimait Lazare, Marthe, Madeleine. Voyez, Notre-Seigneur, quand il est fatigué, quand il va souffrir, où se repose-t-il? Chez Lazare et ses sœurs. Il faut qu'il puisse trouver aussi dans cette maison un lieu de repos, il faut qu'il s’y repose vraiment en y trouvant des cœurs amis. Il nous appelle ses amis: “Je vous appelle amis” (Jn 15:15). Il faut mériter ce titre et n'avoir pas d'ami plus cher. C'est alors qu'il nous dira ce qu'il confie à ses seuls amis: “Tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître” (Jn 15:15). Laissons attendrir notre cœur; ne nous contentons pas de vouloir ce que veut Notre-Seigneur, mais aimons ce qu'il veut. Les saints étaient tout amour pour lui. Saint François de Sales était tout amour, sainte Jeanne de Chantal, tout amour, saint Louis de Gonzague, tout amour. C'est qu'en effet Dieu est amour et on ne va à lui que par l’amour. Dieu est charité et on ne va à lui que par la charité. L'amour est la grande loi du monde. Dédommageons Notre-Seigneur, car il n'est plus aimé. C'est là un signe de la fin des temps: “L’amour se refroidira chez le grand nombre” (Mt 24:12). Son amour, c'est le cachet de notre vocation. Quand il confie l'Eglise à saint Pierre: “Simon ... m’aimes-tu” (Jn 21:15), lui dit-il. Le jeune homme de l'Evangile lui demande ce qu'il faut faire pour aller à la vie éternelle: “Jésus fixa son regard sur lui et l’aima” (Mc 10:21).

Cherchons, rappelons-nous, ce qui peut nous animer au saint amour. Si Notre-Seigneur nous donne la dévotion au Saint-Sacrement, s'il nous a donné de faire un bonne première communion, s'il nous a fait telle ou telle grâce, profitons-en, servons-nous de tout ce qui peut nous toucher spécialement pour échauffer notre cœur. Voilà le principe de l'amour. Quant à sa mise en pratique, elle est continuelle. Elle nous prend dès le réveil. Nous nous levons par amour pour Notre-Seigneur, nous prenons les pensées du Directoire, par amour pour lui nous allons à l'oraison de même.

Nous devons toujours dire à Notre-Seigneur: “Je fais ceci, je pratique mon Directoire pour preuve de mon amour”. Un Père Chartreux priait souvent avec une grande abondance de larmes et, comme on lui demandait pourquoi il pleurait ainsi, il répondit: “J'ai voulu avoir quelque chose à offrir à Notre-Seigneur. Il nous a donné son sang. J’ai demandé qu'il me donnât des larmes afin de pouvoir lui rendre quelque chose de matériel. C'est une grande grâce qu'il m'a faite”. Un jour ce bon Père, pleurait plus que de coutume, il priait pour tous ceux qui avaient, en ce jour, reçu la grande grâce du baptême, afin de leur mériter la conservation de cette grâce, assurant qu'en ce cas ils étaient appelés à un plus haut degré de gloire que les anges. Demandons, nous aussi, sinon le don des larmes, du moins cet amour ardent qui prend la volonté et le sentiment à la fois, afin que nous ne vivions plus que pour Jésus.