Allocutions

      

Le noviciat de la forêt et le travail

Allocution du 2 décembre 1897
en la chapelle Sainte-Geneviève pour la réception au noviciat du Père Corneille van Westeinde

Mon cher ami, ce n'est pas seulement la chapelle que nous venons de bénir qui fera le souvenir de ce jour, ce sera surtout le premier pas que vous allez faire dans la vie religieuse. Votre oblation devra compter parmi les jours les plus mémorables de votre vie. Aujourd'hui commence le noviciat de la maison de Sainte-Geneviève. Vous serez le premier novice, et c'est quelque chose! Le premier apôtre de Notre-Seigneur fut saint André, qui répondit à l'appel du Sauveur, en disant: “Oui, Seigneur, tous les jours de ma vie je serai avec vous, et je mourrai pour vous”. Aujourd’hui vous êtes aussi le premier appelé en ce noviciat des bois. C'est une maison sainte, une maison de piété, d'obéissance, où nous formerons nos missionnaires d'Afrique. Remerciez le bon Dieu de la grâce qu'il vous fait.

Vous vous formerez à la vie religieuse par la plus grande obéissance. Je vous donne le bon P. Giraud pour maître des novices. Tout ce qu'il vous dira, vous le ferez avec exactitude. Un seul mot de lui devra vous faire agir. Ayez un grand esprit de dépendance; les choses qui vous sont recommandées et dont vous craignez de ne pas vous souvenir, écrivez-les. Ne manquez jamais, jamais rien de ce qui vous est recommandé. Cette dépendance est ce qui vous honorera, car l'homme qui n'obéit à rien est l'esclave de son orgueil: il est mauvais. La condition première de votre noviciat, c'est donc l'obéissance. Une action faite sciemment et volontairement en dehors de l'obéissance, regardez cela comme quelque chose de grave, et de très grave. Ayez aussi une grande fidélité dans l'obéissance à votre Directoire. Ayez du cœur pour tout ce que vous devez faire. Les points auxquels vous avez manqué, notez-les pour en rendre fidèlement compte.

La seconde condition de votre noviciat, c'est le travail, non pas le travail pour vous distraire, ni pour vous amuser. Je travaille toute la journée et je ne travaille pas pour m'amuser: faites comme moi. Le travail est une chose sainte. Si je vous ai fait venir ici, c'est pour que vous fassiez comme Notre-Seigneur qui travaillait, non pour se distraire, mais pour gagner sa vie et pour subvenir aux besoins de la sainte Vierge et de saint Joseph. Vous êtes l'ouvrier de Notre-Seigneur: soyez un bon ouvrier. Tout le monde déteste un mauvais ouvrier et cherche à l'éloigner. Le bon Dieu fait la même chose. Travailler pour se distraire n'est plus la vie de Notre-Seigneur. Il ne vous reconnaîtrait plus pour son disciple, et il vous dirait: “Allez, mauvais serviteur, retirez-vous de moi”.

Travaillez donc sérieusement, mon cher ami, et tous les jours. Vous n'aurez pas d'autre jour de repos que le dimanche. Vous n'aurez pas de lundi à faire! Vous emploierez tout votre temps à la besogne qui vous sera désignée. Et rappelez-vous que pour aller en mission, il faut être saint. Pour convertir le monde, Notre-Seigneur a employé de grands saints. Vous êtes appelés à travailler à la suite des apôtres, il faut tâcher d'être saint comme les apôtres.

O mes enfants, mettez une grande foi au travail. C'est avec cela qu'on gagne le paradis et les âmes. Et si vous avez un peu de jugement, un peu de cœur, un peu de piété, vous travaillerez comme je dis, avec foi, et le bon Dieu bénira votre travail. Les jours où vous ne pourrez pas travailler à la forêt, vous étudierez et vous ferez étudier vos enfants, pour que ce soit un vrai noviciat, qui sent le bon Dieu partout. C'est dans ces conditions-là que nous prenons votre engagement.

Il faudra rendre compte au P. Giraud de l'emploi de votre temps. Vous êtes dix fois plus *heureux que ceux qui font leurs études, comme tout le monde, parce que vous avez la solitude, comme les Pères du désert. Il sera bien que vous lisiez leur vie et que vous voyiez tous leurs beaux exemples. Voilà votre vie, votre aliment. Je vous dis ces choses, parce qu'il faut que vous sachiez que vous avez le devoir d'être un bon religieux. Vous allez vous y mettre de tout votre cœur et les enfants feront comme vous ferez; et ce ne sera pas tout seul que vous serez agréables au bon Dieu. Faites ce que je vous dis et vous vous préparerez des jours heureux. Et en venant ici, on verra qu'on est dans la maison du bon Dieu. On y trouvera un vrai fond de foi et de religion. C'est en suite de ces bonnes promesses que vous faites au bon Dieu, que nous allons vous recevoir au noviciat.